Jean-Marc Fourche : Dans votre entreprise, l’entretien de recrutement est-il codifié (étapes, grille d’évaluation, etc.) ou son déroulement est-il assez libre ?
Chrystel Milbert : En premier lieu, il me semble important de préciser que les managers réalisent eux-mêmes les recrutements qui concernent leurs services. Ils demandent parfois l’appui du service RH sur des cas particuliers, mais sont globalement autonomes. Pour les cadres, j’effectue systématiquement un entretien après un premier niveau de validation par le manager opérationnel. Pour les recrutements de cadres de haut niveau, un entretien supplémentaire est organisé avec le Directeur Général.
Le service des ressources humaines a mis en place un « guide de l’entretien » à l’intention des managers, pour les aider à conduire l’entretien d’embauche. Ce document rappelle les éléments importants de la culture d’Interflora, les moments clefs de son activité (la Fête des Mères notamment), les avantages (13ème mois, participation, etc.) et une liste de questions pour aider les recruteurs dans leur mission. Ce guide est utilisé par tous les managers chargés d’embaucher un candidat, et chacun adapte ce guide à son mode de recrutement. La Direction des Ressources Humaines a choisi de ne rien imposer, mais plutôt d’accompagner les managers, de se positionner comme un soutien en leur fournissant les outils et les conseils nécessaires au bon accomplissement des entretiens d’embauche, qui, de fait, ne sont pas codifiés. Notre objectif est de faciliter l’échange entre le manager et le candidat.
En revanche, l’absence de codification rigide ne signifie pas que tout est permis : ce qui se dit en entretien constitue un engagement de chacune de parties. Les paroles du recruteur et la description qu’il peut faire du poste, de l’environnement de travail, des règles internes, sont pour moi un engagement moral. Je vérifie systématiquement, quelques semaines après l’embauche du collaborateur, qu’il n’y a pas d’écart entre ce qui lui a été décrit et la réalité vécue au quotidien. Cette notion d’engagement réciproque et de fidélité à la réalité est importante pour l’entreprise.
JM F : Comment les candidats s’en sortent-ils d’une manière générale (niveau de préparation, maîtrise de la discussion, professionnalisme, qualité et clarté de leurs propos, etc.) ?
C M : Quand nous conduisons des entretiens à deux, certains candidats peuvent se trouver déstabilisés et être moins à l’aise qu’en entretien en face à face, mais je trouve que globalement, ils s’en sortent assez bien. Mis à part quelques cas particuliers, ils ont consulté le site internet d’Interflora, sont capables de parler de notre activité, et ont, dans 80% des cas, préparé leur entretien d’embauche. La recherche d’emploi est devenue tellement difficile aujourd’hui que chaque candidat se donne réellement les moyens de réussir son entretien d’embauche.
En revanche, j’ai constaté que la majorité des personnes en recherche d’emploi que nous rencontrons ont du mal à réaliser une présentation synthétique de leur parcours. De manière quasi systématique, ils reprennent la lecture ligne à ligne de leur CV, ce qui n’a aucun intérêt. Vous en parlez d’ailleurs dans votre livre, et je suis d’accord avec le conseil que vous donnez de commenter le CV en délivrant des explications sur leurs différentes expériences tout en mettant en avant ce qu’ils en ont tiré ; l’idéal étant d’inscrire cette expérience dans la perspective des missions du poste convoité.
JM F : Accordez-vous de l’importance aux premières secondes de votre rencontre avec un candidat ?
C M : On a toujours une première impression, mais avec l’expérience, j’ai appris à ne pas me fier à ce premier sentiment et j’essaie toujours de laisser une chance réelle aux candidats qui « manquent leur entrée » parce qu’ils sont au téléphone, parce qu’ils sont habillés de manière négligée ou qu’ils mâchent ostensiblement un chewing-gum par exemple. Je tiens aussi compte du stress inhérent à un entretien d’embauche pour ne pas juger trop vite un candidat et lui laisser le temps de prendre ses marques et de donner le meilleur de lui-même. Ces premières secondes sont un moment important de l’entretien et tous les managers n’ont pas nécessairement ce recul et cette capacité à faire abstraction de leur première impression. Vous en parlez très bien dans les pages consacrées à la boîte « arrivée / briser la glace » : les candidats doivent soigner leur entrée face au recruteur, en étant souriant, en le regardant droit dans les yeux et en se comportant de manière professionnelle.
JM F : Que cherchez-vous à voir / comprendre à travers votre échange avec le candidat ?
C M : Je cherche en premier lieu à valider les compétences et l’expérience annoncées dans le CV. Certains candidats s’attribuent des compétences qu’ils n’ont pas réellement ou indiquent des périmètres de responsabilité bien plus larges que ceux exercés. D’autres au contraire disposent de compétences mal mises en valeur ou d’une autonomie bien plus forte que celle décrite au travers de leur expérience professionnelle. J’insiste donc beaucoup sur le contenu des missions qui leur ont été confiées, et je pose des questions pour comprendre dans le détail les actions concrètes réalisées par le candidat dans ses précédentes fonctions.
JM F : La personnalité du candidat joue-t-elle un rôle important dans votre décision ?
C M : Oui, c’est un élément clef dans la décision de recruter un candidat, vous le dites d’ailleurs très bien dans votre livre. Le savoir-être, la motivation, l’envie de s’impliquer, la capacité à communiquer et à s’intégrer à l’entreprise sont des éléments auxquels nous veillons particulièrement lors d’une embauche. Il peut nous arriver de recruter des candidats qui sont un peu en dessous du niveau de qualification attendu, mais dont nous accompagnerons la montée en compétence car ils présentent une très forte motivation et une bonne capacité d’apprentissage. Il n’en demeure pas moins que les compétences techniques et l’expérience constituent un critère important dans notre processus de définition des postes à pourvoir, d‘analyse des profils qui répondent à nos offres d’emploi et d’audition des candidats.
JM F : Les candidats restent-ils sur le terrain professionnel ou abordent-ils spontanément la sphère personnelle pour donner à voir leur personnalité ?
C M : De manière spontanée, les candidats quittent assez rarement le domaine professionnel. Pour les aider à sortir du cadre, je leur demande souvent ce que leur conjoint pourrait me dire à leur propos. A cette question, la réponse reste souvent professionnelle : « il / elle vous dirait que je suis une personne rigoureuse, capable de s’investir dans son travail, etc. ». Je repose alors ma question en insistant sur la vie en dehors du travail, afin qu’ils aient l’occasion de mettre en avant leur personnalité et d’exprimer ce qui les anime. Malheureusement, il est assez difficile de les amener sur ce terrain, de les faire s’exprimer sur leurs loisirs ou leurs passions par exemple ; ils restent méfiants et n’aiment pas trop se dévoiler.
JM F : Quel est selon vous le conseil le plus important du livre, celui que vous donneriez en priorité à un candidat ?
C M : Je retiens de la lecture du livre deux conseils qui me semblent essentiels pour réussir son entretien d’embauche, étant entendu que la compétence est un prérequis.
Le premier conseil est de bien préparer son entretien : se renseigner sur l’entreprise et son environnement, avoir un projet professionnel cohérent, avoir réfléchi à ses expériences passées et aux enseignements à en tirer, être clair sur ses attentes et savoir ce que l’on souhaite apporter à son futur employeur. Une bonne préparation constitue une base solide pour aborder sereinement et réussir son entretien d’embauche.
Le second conseil concerne le déroulement de l’entretien : être vigilant sur son apparence et sur les premières secondes de la rencontre avec le recruteur, rester professionnel, ne pas hésiter à mettre en avant sa personnalité et des aspects plus personnels comme ses loisirs par exemple, expliquer quels sont ses atouts et ses motivations, et, en fin d’entretien, exprimer clairement son intérêt pour le poste.
Entre deux candidats de niveau équivalent, ce qui fait la différence, c’est la personnalité, la motivation et l’envie de rejoindre l’entreprise. La méthode Box’up est une boîte à outils très efficace pour réussir en entretien d’embauche.
»
»
La méthode Box’up est une boîte à outils très efficace pour réussir en entretien d’embauche
Découvrez les autres témoignages de DRH